MEMOIRES (2)

L’autre jour, alors que je regardais une interview d’universitaire sur Bertolt Brecht, je me suis souvenu d’une représentation de Mahagonny que j’avais vue vers la fin des années quatre-vingts, à la Fondation Deutsch de la Meurthe de la Cité universitaire. Dans ces boiseries fin de siècle, la musique de Kurt Weil prenait un charme désuet. J’étais, me semble-t-il, accompagné de ma mère. Il y avait dans ce spectacle une jeune femme, dont le visage rond et les cheveux blonds ont surgi, je ne sais comment, de ma mémoire. Elle s’appelait Olivia, je crois, et m’assistait dans les préparatifs de Sud, de Julien Green, que je mettais en scène dans un petit théâtre à Clichy. Elle devait cumuler cela avec un rôle dans la pièce. 

Ce souvenir s’associe, bizarrement, à une audition que j’ai passée à l’époque pour une pièce américaine : Thé et Sympathie de Robert Anderson (dont Minnelli tira un film que j’ai revu récemment). Je me revois, là encore accompagné de ma mère, rencontrant dans un café les jeunes théâtreux qui voulaient monter ce texte. Il y était question d’homosexualité, ou plus exactement d’un garçon que ses camarades soupçonnent d’être un inverti, parce qu’il ne se comporte pas comme un “dur”. Je n’avais pas le physique de l’emploi, et la situation, avec ma mère en chaperon, avait quelque chose de gênant. J’essayais, peut-être, de lui faire passer un message. Peut-être Olivia était-elle présente parmi ces gens. Ou peut-être que tout se mélange dans mon souvenir : homosexualité, Amérique old fashion, théâtre amateur. C’est comme un cristal de temps, d’autant plus troublant que ses contours ne sont pas nets.

1 Commentaire
  • Michelle Herpe
    Posté le 11:04h, 01 décembre Répondre

    Je me souviens de ces spectacles. Dans Mahogany jouait mon amie d’alors Monique Lhirondel. Sud est aussi un souvenir, beaucoup de souvenirs. Un “cristal de temps”, comme tu l’écris si bien.

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