FICTIONS (10)

Remis à la lecture de romans, ce qui ne m’était pas arrivé depuis quelque temps. J’ai attaqué La Maison d’âpre-vent (c’est-à-dire Bleak House) de Dickens, en alternant, pour finir ce long week-end pascal, avec Crime et Châtiment (commencé il y a bien des années, repris cet été, laissé en plan) et Aurélien (que je traîne depuis près de quatre ans). Je vis, à la lecture, les mêmes déchirements que dans l’écriture. Je suis forcé de chasser les pensées comme des mouches, pour me frayer un chemin. A chaque ligne, des images surgissent (qui me renvoient à d’autres livres, ou à des moments de ma vie, ou à des intuitions obscures). Ce ne serait rien, si elles ne demandaient d’être élucidées, sur-le-champ ; si elles ne faisaient que passer, en écho aux mots qui défilent. Elles captivent mon attention, m’obligeant à un effort renouvelé pour ne pas m’arrêter. Le seul fait d’en prendre conscience les rend menaçantes. 

J’ai parlé d’images, j’ai parlé de pensées. Ce sont, plus exactement, des images qui aspirent à se traduire en pensées, ou, plus poétiquement, des fantômes de pensées. Ils sont faits de la peur de rater un possible, ou de ne point dominer assez les tenants et les aboutissants de la situation. C’est pourquoi je suis plus à l’aise, justement, avec les écrivains à situation (Dostoïevski ou Green) qu’avec ceux qui sollicitent l’intelligence du lecteur (Dickens annonce Proust dans cette ambition). Il me faut une situation qui me fascine, ou s’impose dans une lumière d’évidence. Les déambulations de Raskolnikov ont quelque chose de fatal qui me rassure. Quelle que soit l’opacité dont l’auteur les enveloppe, elles répondent à une nécessité dramatique. Ce que je préfère en littérature a toujours plus ou moins à voir avec le théâtre (un certain théâtre). J’ai besoin d’un nœud, qui me confisque ma liberté et m’empêche de m’évader.

1 Commentaire
  • Michelle Herpe
    Posté le 10:38h, 25 avril Répondre

    Il me semble que nous avons vu le film Crime et Châtiment ensemble…
    C’était un de mes livres de chevet quand j’étais gamine, après Les Trois Mousquetaires.

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