RÉSEAUX (8)

Je cherche tous les matins, sur internet, des raisons d’être optimiste. Le nombre de morts semble avoir baissé sur le territoire français. La chroroquine, à en croire le fameux professeur Raoult et d’autres médecins, s’avère efficace. Je n’arrive pas trop à comprendre si c’est dans les cas graves, ou si au contraire il faut en prescrire dès les premiers symptômes. De toute façon, il n’en reste pas un comprimé en pharmacie. Charles me dit qu’une amie en conserve une boîte, par-devers elle. Cela pourra servir. Il a fait, dès l’annonce de la pandémie, des provisions de pâtes, de papier toilette et de croquettes.

Mais les experts se contredisent. Ce médicament, que d’aucuns présentaient comme miracle, se révèle insuffisant à enrayer la progression du mal. On était retombé à deux cent quatre-vingt douze morts, on remonte aujourd’hui à près de cinq cents. Les hôpitaux sont saturés, on transfère des malades depuis l’Est. Régulièrement, Edouard Philippe revient nous dire qu’il faut se préparer au pire. Un type, sur Twitter, raconte que son copain a été se coucher, fiévreux, le crâne en feu. Je suis très inquiet. Chacun y va de son petit récit apocalyptique. Sans compter les ultras qui se déchaînent sur Facebook, voyant déjà Macron en Haute Cour de Justice, et l’Etat au pilori.

Au téléphone, les gens se croient obligés de prendre une voix sombre et sépulcrale. J’ai beau insister sur les motifs d’espérer (en la déconfiture de Trump, le retour de l’Etat-Providence, ou la situation relativement privilégiée de la France par rapport à l’Espagne et l’Italie), on me dit que je me fais des illusions, que le libéralisme en sortira plus féroce que jamais. Bien sûr, cette maladie ne fera pas des millions de morts. Je m’accroche à ce frêle radeau dans la tempête, et je me demande comment je fais pour ne pas désespérer.

Peut-être parce que j’ai le sentiment, depuis longtemps, de vivre une fin du monde. On assiste ces jours-ci à un spectaculaire coup d’accélérateur. Des débats en trompe-l’œil s’effondrent dans la poussière. On a vu des canards, l’autre jour, errer aux alentours de la Comédie-française. Dans mon quartier, délivré des voitures, les oiseaux se font de nouveau entendre. Comme paraissent dérisoires, soudain, les polémiques de la dernière cérémonie des Césars, ou la confession d’une énième victime de Gabriel Matzneff ! Le petit Poucet toujours prêt à pleurer en chacun de nous saura bien retrouver son chemin, dans la forêt.




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