1NH.LeMystereClouzotBook

Le Mystère Clouzot
Paris : Lienart/Cinémathèque française, 2017.


Outre son talent de raconteur d’histoires, il y a chez Henri-Georges Clouzot un vertige et une folie qui n’appartiennent qu’à lui : la recherche d’une forme idéale, une forme que l’artiste maîtriserait totalement et qui deviendrait la figure même de la vérité. Cette ambition insensée, il l’a côtoyée dans ses portraits filmés de grands artistes, comme Picasso ou Karajan ; mais elle est déjà présente dans le cinéma qui l’a rendu célèbre, du Corbeau aux Diaboliques, en passant par Le Salaire de la peur.
A la lumière d’une riche iconographie, le plus souvent inédite, et sous la plume de spécialistes, cet ouvrage nous fait découvrir le “mystère Clouzot”, en montrant la diversité de son génie cinématographique, son rapport aux arts plastiques et à la modernité picturale, sa passion pour la musique – et même sa propre pratique de la photographie.

1NH.Positif612

Modernité de René Clément
Positif n°612, Lyon : Institut Lumière/Actes Sud, 2012.

 

“Se souvient-on de René Clément ?, s’interroge Jacques Lassalle dans un récent livre. (…) La Nouvelle Vague ne fut pas beaucoup plus tendre avec lui qu’elle ne le fut avec Duvivier, Clouzot ou, avant ses naufrages, Autant-Lara. Lecteur “sous influence” des Cahiers du cinéma, pigiste à Arts et Spectacles, où brillait Truffaut, j’ai dû à l’époque me résigner sans trop de résistance à leur liquidation. Je n’en suis pas autrement fier. La jeunesse n’a pas à rougir de ses révoltes et de ses partis pris quand ils sont sincères, mais elle ne devrait pas se laisser embrigader dans de tactiques mises à mort…”
A l’heure même de ces “tactiques mises à mort”, c’est pourtant un certain Jean Renoir qui voyait en Clément “un merveilleux metteur en scène, le meilleur de la jeune génération en France”. Admiration que partageait entre bien d’autres André Bazin – mais dont on n’entend plus guère d’écho aujourd’hui, comme si les anathèmes truffaldiens avaient suffi à occulter le prestige international de Clément… Injustice que voudrait réparer le présent dossier, en rappelant que l’auteur des Maudits fut justement un auteur, dans toute la plénitude de ses pouvoirs même s’ils restaient dans l’ombre. Et le contraire d’un cinéaste académique, tant il n’a cessé d’expérimenter de nouvelles formes de récit qui préfigurent le cinéma moderne. On ne saurait trop remercier Denitza Bantcheva d’avoir initié cette redécouverte, dans une remarquable monographie. Si l’on ajoute qu’en février et mars l’Institut Lumière rendra hommage à Clément, que Quelle joie de vivre sera repris à Paris, ou qu’une rétrospective s’annonce à la Cinémathèque française, on a quelques raisons d’être optimiste.

1NH.Positif579

Henri-Georges Clouzot
Positif n°579, Paris : Scope Editions, 2009.

 

L’Assassin habite au 21Le CorbeauQuai des Orfèvres. En trois titres, Henri-Georges Clouzot s’est imposé comme le maître du film criminel “à la française” ; intégrant l’enseignement de Lang et de Hitchcock (mais aussi de Pirandello), pour mener sa propre réflexion sur la relativité des apparences. Ces débuts prestigieux (et sulfureux) ne doivent pas faire oublier le long travail d’un Clouzot avant Clouzot : celui qui, en 1931, réalisait un premier court métrage, La Terreur des Batignolles, pochade policière dans la tradition de Feuillade ; celui qui, jusqu’en 1942, écrivait pour Baroncelli, Pottier ou Decoin des histoires déjà peuplées d’apprentis sorciers et de microcosmes cruels…
Pour notre part, c’est le second Clouzot que nous avons choisi de revisiter. Un cinéaste qui accède à la classe internationale avec ces monuments de virtuosité que sont Le Salaire de la peur et Les Diaboliques (imités en vain à Hollywood). Et qui plus secrètement ne cesse de repousser ses limites, de provoquer de nouvelles expériences : dans Miquette et sa mère ou dans Les Espions, il tente une déconstruction pré-postmoderne du film de genre (vaudeville 1900 ou polar paranoïaque). En filmant Picasso ou Karajan, il s’interroge plus que jamais sur la légitimité de son regard ; sur le “contrat de vérité” arbitraire qui lie le spectateur au metteur en scène. A travers le tournage interrompu de L’Enfer (dont Serge Bromberg nous présente aujourd’hui les somptueux vestiges), il se découvre saisi d’une sorte d’ubris, comme malade d’une maîtrise devenue illimitée. Comme s’il avait incarné avant la lettre, et n’en déplaise à son détracteur Truffaut, toute la grandeur et tous les dangers de la politique des auteurs.

1NH.Positif561

Sacha Guitry, historien de cinéma
Positif n°561, Paris : Scope Editions, 2007.

 

Le cinquantième anniversaire de la mort de Sacha Guitry, l’exposition qui lui est consacrée à la Cinémathèque française, les nombreuses reprises de ses pièces et rééditions de ses films sont l’occasion de revenir sur un aspect singulier de son travail : celui d’historien. Car il s’agit bien d’un travail, à rebours des procès en désinvolture ou en inculture qu’on a prétendu lui faire… Comme le révèle le trésor d’archives conservé à la BnF, Guitry se livre pour chacun de ses films historiques (biopic ou fresque) à une accumulation de lectures, de listes, de chronologies, de mots, d’anecdotes, de dessins préparatoires et même de storyboards. Toujours, il utilise le document comme la preuve irréfutable de ce qui a été – et notamment dans Ceux de chez nous et De Jeanne d’Arc à Philippe Pétain, ces deux films musées où l’Histoire se réduit à des gestes, des signes de reconnaissance, des traces. Mais, en disciple d’Alexandre Dumas, Guitry croit en même temps à une Histoire réinventée par l’art. Ou plutôt confondue avec l’art : sous son regard, Talleyrand devient la figure absolue du metteur en scène, et les grandes figures de la France se succèdent comme autant de grands acteurs ; comme si, par un étrange renversement du miroir, c’était le théâtre que venait refléter l’Histoire.

1NH.SachaGuitryUnevie

Sacha Guitry : une vie d’artiste
Avec Noëlle Giret
Paris : Gallimard/Cinémathèque française, Bibliothèque nationale de France, 2007.

 

Comédien, auteur de pièces et d’opérettes, journaliste et écrivain, Sacha Guitry (1885-1957) fut aussi un photographe, un dessinateur et un publicitaire de talent. Cinéaste original et inventif, revendiqué par la Nouvelle Vague, il s’est intéressé très tôt aux nouveaux médias que sont la radio et la télévision. Paradoxe d’un artiste façonné par l’esprit 1900, mais qui sut prendre au XXe siècle ce qu’il avait de plus moderne.
Marié à cinq reprises, Guitry n’a jamais cessé de gommer la frontière entre sa vie sur les planches et sa vie privée, s’inspirant de celle-ci pour une grande part de ses pièces et de ses films.
A l’exemple de son père, Lucien Guitry, l’un des plus grands acteurs de la Belle Epoque, il côtoie hommes d’Etat, intellectuels et artistes de son temps. Porté à l’admiration et à la révérence, croyant au génie de la France, il conserve les traces de tous ses “grands hommes” dans la collection qu’il rassemble en son hôtel particulier de l’avenue Elisée-Reclus.
A travers les contributions d’une vingtaine d’auteurs d’horizons divers et un corpus iconographique de deux cent cinquante documents inédits, ce catalogue d’exposition fait revivre une œuvre éclectique, nourrie d’une curiosité encyclopédique.

1NH.Rohmeretlesautres

Rohmer et les Autres
Presses universitaires de Rennes, 2007.

 

Une polyphonie s’orchestre ici selon des mouvements bien distincts : le premier consiste à envisager les “affinités électives” qui inspirent le cinéma de Rohmer – depuis sa filiation éprouvée avec Kleist, avec André Bazin, jusqu’à ses interprétations plus personnelles de Murnau ou de Jean Renoir (en passant par des coïncidences inattendues avec l’art d’un David Hockney…).
Le second cercle est celui des études transversales, qui s’attachent à dégager la modernité du récit rohmérien à travers tous les manques qui le constituent ou les ambiguïtés du point de vue ; une modernité à quoi se dérobent en même temps ses personnages, dans leur idéalisme amoureux et leur nostalgie d’une “nature humaine” devenue problématique. Autant d’éléments que précisent six analyses de films, tout en remontant vers un sous-texte métaphorique (dans Le Signe du Lion, dans L’Amour, l’après-midi), ou une re-présentation picturale et historique (dans L’Anglaise et le Duc).
Enfin, une série d’entretiens dessine ce qu’on pourrait appeler “l’atelier d’Eric Rohmer” : qu’il s’agisse de production ou de montage, du recours au son direct, à la lumière naturelle ou aux essais vidéo, on y découvre une sorte de conspiration artisanale et familiale, sans exemple depuis Georges Méliès ou Marcel Pagnol – et où un certain ésotérisme dissimule une absolue liberté.

A propos de ce livre

Yann Tobin, Positif, septembre 2007.


Jean A. Gili, 1895, septembre 2007.


Philippe Azoury, Libération, 26 juin 2007.

 


Les Inrockuptibles, 2 septembre 2007.

 

Lumières daoût, France Culture, 20 août 2007.

 

1NH.Positif550

Revoir [Marcel] Carné
Avec Jean A. Gili
Positif n°550, Paris : Scope Editions, 2006.

 

Du Quai des brumes (1938) à Hôtel du Nord (1938), des Enfants du paradis (1945) aux Portes de la nuit (1946), en passant par quelques films plus insolites ou fantaisistes comme Drôle de drame (1937) ou Juliette ou la Clé des songes (1951), les films de Marcel Carné font partie des chefs-d’œuvre du cinéma français. Né en 1906 et disparu en 1996, le réalisateur a marqué le XXe siècle bien au delà des cercles cinéphiles et représente aujourd’hui une certaine idée du cinéma français.
En collaboration avec la Cinémathèque de Toulouse, qui lui consacre sa programmation de décembre, Positif revient sur la figure d’un cinéaste controversé et finalement mal connu. Au delà des Enfants du paradis, sacré meilleur film français lors du référendum de l’Académie des Césars à l’occasion du centenaire du cinéma, c’est l’œuvre de Carné qu’il convient de revisiter. Analyses et textes de Carné permettent de mettre en perspective une production aux résonances singulières.

1NH.Doublejeu

Sacha Guitry et les Acteurs
Avec Vincent Amiel
Double Jeu n°3, Presses Universitaires de Caen, 2006.

 

L’acteur est au centre du travail de Sacha Guitry, à l’écran comme à la scène. Interprète hors normes, il a fait du jeu du comédien à la fois une thématique, et l’occasion d’innovations formelles étonnantes. Travaillant avec les plus grands acteurs de son temps, Lucien Guitry, Yvonne Printemps, Raimu, Michel Simon, Arletty, il accepte de confier son univers à leur art et à leur image, de confronter à leur pratique ses constructions dramatiques et sa conception du jeu. On peut dire qu’il modèle véritablement son univers scénique autour de la figure de l’acteur. Les textes réunis ici tentent de mettre en lumière ces relations entre auteur et acteur, texte et interprète, gestuelle et mise en scène, à propos d’un créateur qui fut tout à la fois l’un des derniers monstres sacrés de la scène, et l’un des cinéastes les plus novateurs qui soient.

1NH.Memoireeneveil

Mémoires en éveil, archives en création
Avec Vincent Amiel et Gérard-Denis Farcy
Caen : Entretemps, 2006.

 

Aux alentours de l’œuvre achevée, il y a aussi des brouillons, des ébauches, des notes, des repérages, des chutes, autant de traces que les archives préservent. Rassemblées, conservées, interrogées, ces traces dessinent un champ archéologique inédit à explorer, qui peut aussi solliciter l’invention. Débordant leur seul statut documentaire, les archives peuvent parfois révéler une puissance nouvelle : les notes engendrent un spectacle, les photographies font naître un texte, les croquis s’animent.
Cette vitalité potentielle des archives en fait une part active de la mémoire qui peut aussi s’envisager comme enjeu de création, particulièrement dans les arts du spectacle. Il devient alors pertinent de s’interroger sur le pouvoir des archives, sur leur énergie propre, sur leur capacité à documenter et à éclairer une œuvre, et parfois aussi à faire œuvre derechef.
Actes du colloque des 13,14 et 15 mars 2003 organisé par l’IMEC (Institut mémoires de l’édition contemporaine) et le CReDAS (Centre de Recherche et de Documentation des Arts du Spectacle).

1NH.0Cahier

La Critique de cinéma comme exception française
Avec Marc Cerisuelo
Cahiers parisiens de lUniversité de Chicago n°1, 2006.

 

Peut-on parler de “la critique de cinéma comme exception française” ? En évoquant l’américanophilie d’un René Clair, tour à tour idéaliste et déprimée (Noël Herpe), ou bien la consécration du néoréalisme italien par la critique “engagée” de l’autre après-guerre (Jean A. Gili) ; en reconstituant la genèse, dans les années 1915-1925, d’une idée française du cinéma (Alain Carou) ou d’une certaine idée du cinéma français (Christophe Gauthier) ; en dessinant les cercles d’exception qu’aura cultivés la critique française, à partir de la figure centrale d’André Bazin (Hervé Joubert-Laurencin), mais aussi les risques de démesure et de confusion sémantique qui appellent une relecture historique (François Albera), chacun des auteurs ici réunis propose sa réponse à ce qui demeure une question.

1NH.Vertigo

Triple agent : l’invraisemblable vérité d’[Eric] Rohmer
Vertigo n°25, Marseille : Images en manœuvres2004.

 

Triple agent en compétition à Berlin, une rétrospective à la Cinémathèque française, la réédition du Goût de la beauté par la “Petite bibliothèque” des Cahiers du cinéma (qui éditent en même temps le texte du nouveau film)… Tout cela ressemble un peu à une consécration consensuelle – autour d’un Eric Rohmer qui pourtant se dérobe de plus en plus à sa légende. Pour la première fois, il inverse le rapport cultivé depuis La Marquise d’O… entre Histoire et fiction, en partant d’un “fait divers” authentique, contemporain de son histoire personnelle, et en le recouvrant d’imaginaire. Pour la première fois, il revendique une invraisemblance, une opacité qui évoquent des modèles inattendus : les chefs-d’œuvre ultimes de Dostoïevski (à qui il reprend l’usage de la parole comme vaine fumée de l’Histoire) ; le dernier Fritz Lang, mettant en scène une vérité qui n’est plus, justement, que mise en scène. Il y a là comme une coda crépusculaire (complémentaire du classicisme en ruines de L’Anglaise et le Duc)… et peut-être aussi un retour du cinéaste à l’origine de tout son travail, vers cette source empoisonnée où le langage et l’image se seraient brouillés.

1NH.Positif487

Max Ophuls en Amérique
Avec Vincent Amiel et Lutz Bacher
Positif n°487, Paris : Jean-Michel Place, 2001.

 

Il est convenu de considérer comme une parenthèse inachevée les huit ans que Max Ophuls a passés à Hollywood – et qui en effet, à première vue, ne dessinent pas un corpus aussi cohérent que celui de Renoir ou d’autres Européens repliés aux Etats-Unis dans les années quarante. Quelques mois avant les hommages qui marqueront le centenaire du cinéaste (et qu’ouvre une rétrospective à la Fédération des cinémathèques), à l’heure d’un regain de travaux universitaires sur son œuvre (dont témoignera notamment une prochaine livraison de 1895), nous avons voulu revenir sur cette période stratégique dans l’évolution du style d’Ophuls.
D’abord, en le montrant aux prises avec les rigueurs et les contingences de l’industrie hollywodienne (depuis le tournage interrompu de Vendetta jusqu’à ses derniers projets pour Walter Wanger). En même temps, en essayant de suivre l’affirmation d’une ligne esthétique à l’intérieur des limites imposées par les studios : Ophuls en Amérique ne fut pas un créateur maudit (même s’il n’y connut guère plus que des succès d’estime), il y trouva le moyen de développer son goût des tragédies en chambre et des plans-séquences antispectaculaires. Paradoxalement, il semble que l‘“auteur” bientôt consacré par la critique française ait rencontré dans les contraintes mêmes du système américain le départ d’une liberté.

1NH.1895.2

Max Ophuls
Avec Lutz Bacher et Susan White
1895 n°34-35, Paris : AFRHC, 2001.

 

Il règne autour de Max Ophuls une curieuse solitude : consacré au soir de sa carrière par la critique française, choisi parmi les élus spirituels de la Nouvelle Vague, il est resté depuis comme une figure fascinante et encombrante – qui fait un peu désordre, dans le paysage malgré tout mesuré de la cinématographie hexagonale. On a beau lui accoler à tout propos l’épithète de “baroque”, elle ne rend que médiocrement compte d’un art qui va des artifices assumés de Lola Montès au romantisme sobre de Werther, de la fantaisie brechtienne de La Comédie de l’argent au naturalisme discret des Désemparés… Quelques mois avant le centenaire de sa naissance, il fallait donc regarder en dehors de France pour faire le point d’une critique qui n’a cessé de se développer en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis. Ce qu’on découvre à travers ces différentes approches, c’est une création qui s’est reconstruite en permanence dans la contrainte, dans la contingence, dans l’adaptation à diverses cultures ou à diverses formes d’expression. C’est un Ophuls bifrons qui était en quelque sorte programmé dès le départ, dans le cadre d’une “double conversion” : celle du Juif allemand Max Oppenheimer, se projetant dans une identité nouvelle et dans une Vienne idéale ; et celle d’un homme de théâtre et de radio, trouvant dans le cinéma le prétexte d’une alchimie impure et avouée, d’une négation explicite des limites de l’espace-temps.

A propos de ce livre

Jean-Loup Bourget, Positif, janvier 2002.

 

Edouard Waintrop, Libération, 28 décembre 2001.

 

 

Projection privée, France Culture, 31 mars 2002.

1NH.Reneclair

René Clair ou le Cinéma à la lettre
Avec Emmanuelle Toulet
Paris : AFRHC, 2000.

 

Dans sa politique éditoriale, l’Association française de recherche sur l’histoire du cinéma a accordé une grande place aux études monographiques en publiant dans sa revue 1895 des numéros consacrés à André Antoine, Jean Grémillon, Jacques Feyder, René Clair, Christian-Jaque, en attendant des ensembles en préparation sur Abel Gance, Louis Feuillade, Albert Capellani.
En éditant aujourd’hui dans sa collection de livres les actes du colloque René Clair ou le Cinéma à la lettre qui s’est tenu à la Bibliothèque nationale de France les 6 et 7 novembre 1998, l’AFRHC participe à un travail permanent de réévaluation des metteurs en scène et des films. Grâce à une vingtaine de communications de chercheurs français et étrangers réunies par Noël Herpe et Emmanuelle Toulet, l’œuvre de René Clair est remise en perspective dans son temps et dans le contexte qui en a vu l’épanouissement.
Sans vouloir les soumettre à un jugement définitif, les films du cinéaste, par la multiplicité et la diversité des approches, sont éclairés dans l’optique de leur classicisme trompeur ; ils sont analysés aussi dans les fluctuations des approches critiques qui leur ont été consacrées. Avec le recul, René Clair y apparaît comme un étonnant inventeur de formes plastiques et sonores. Dans une œuvre où l’intelligence le dispute à la sensibilité – à rebrousse-poil de la figure un peu distante d’un homme qui cachait ses élans intimes derrière la fausse intransigeance d’un moraliste obsédé par la fuite du temps -, se construit un des maillons essentiels de l’histoire du cinéma français, à la confluence contradictoire entre l’écrit et l’image.

A propos de ce livre

Barthélemy Amengual, Positif, mai 2001.

1NH.1895

René Clair
1895 n°25, Paris : AFRHC, 1998.

 

En multipliant les images dédoublées et les reflets contradictoires, René Clair s’est rendu d’autant plus insaisissable en tant que personne qu’il s’est voulu omniprésent dans ses créations. C’est ce qui invite à la lettre à le relire, lui qui fut bien le premier cinéaste français à assumer sa subjectivité aussi souverainement qu’un écrivain. Mais c’est une subjectivité qui passe d’abord par la confrontation avec autrui : qu’il s’agisse de ses premières chroniques à L’Intransigeant (où déjà il célèbre une “fantaisie lyrique” qui viendrait libérer l’art muet de ses pesanteurs rhétoriques), qu’il s’agisse de ses plaidoyers en faveur d’une reconnaissance par l’Etat, Clair s’est constamment battu pour l’inscription du cinéma dans la cité, pour une réconciliation entre sa dignité esthétique et sa vocation collective. Au risque de se retourner par moments contre sa propre pensée : tout en prônant un langage visuel affranchi de toute littérature, il s’installe dans une définition rigoureusement littéraire de cette nouvelle écriture ; tout en réclamant l’aide des pouvoirs publics, il épouse les accents stricts d’un législateur… C’est là que réside toute la complexité de sa situation historique : promoteur d’un cinéma enfin arrivé à l’âge adulte, il ne peut l’être qu’à l’intérieur de cadres classiques, censés inaugurer une maturité et en même temps la délimiter étroitement.

A propos de ce livre

Lucien Logette, Jeune cinéma, mai 1999.

 

Alain Masson, Positif, avril 1999.

 

 

Projection privée, France Culture, 5 décembre 1998.

1NH.HistRome

Histoires de Rome
Paris : Sortilèges/Les Belles Lettres, 1997.

 

De sa fondation par Romulus et Remus à son incendie par Néron, de l’élection d’un pape aux carnavals sur le Corso, des étranges passants qu’on croise près de ses ruines aux aventures amoureuses des voyageuses américaines, voici les histoires de Rome, toutes les histoires de Rome : la Rome antique, la Rome des papes et la Rome contemporaine.
Assistons aux jeux du cirque avec Henryk Sienkiewicz, visitons le Colisée en compagnie du plus mélancolique des guides, Edgar Poe, écoutons Musset nous chanter Suzon, écoutons les plus belles histoires romaines que nous racontent encore Stendhal, Alexandre Dumas, Oscar Wilde, Tennessee Williams, et bien d’autres grands écivains.

1NH.Positif430

Robert Bresson
Avec Vincent Amiel
Positif n°430, Paris : Jean-Michel Place, 1996.

 

Les rapports de Positif avec l’œuvre de Robert Bresson ont connu plusieurs phases. Dans les premiers numéros de la revue, au début des années cinquante, son fondateur Bernard Chardère lui consacrait trois articles consécutifs où il en soulignait le rôle majeur dans la modernité cinématographique. Plus tard, les films de Bresson, tout comme ceux de Dreyer, de Rossellini et de Hitchcock, devinrent aux yeux de la critique spiritualiste une illustration exemplaire d’un monde fondé sur le Mal et sa rédemption, la faute et l’aveu.
Dans une France encore dominée par un certain ordre moral, et où l’Eglise catholique jouait un rôle majeur, la contre-attaque ne se fit pas attendre. Les plumes les plus polémiques de Positif – celles de Robert Benayoun, Ado Kyrou et Louis Seguin -, proches du surréalisme, ferraillèrent ferme contre les tenants de la Grâce et du Péché.
Dans les années soixante-dix, les passions s’étant calmées et le contexte idéologique singulièrement modifié, de nouveaux collaborateurs – Frédéric Vitoux, Vincent Amiel, François Ramasse – dégagèrent le cinéma de Bresson de cette problématique restrictive pour mettre en valeur la singularité de son style et la complexité de son propos.
L’objet du dossier que nous réunissons aujourd’hui, à l’occasion de la prochaine rétrospective “Bresson”, en avril 1997, à la Cinémathèque française, est précisément de faire le point sur cette complexité, et sur un itinéraire à la fois cohérent et très contrasté.

1NH.Positif429

Julien Duvivier
Positif n°429, Paris : Jean-Michel Place, 1996.

 

Jean Renoir imagina un instant le nom de Julien Duvivier ornant l’entrée de quelque paradis païen voué au cinéma. Le génie touffu admirait l’horloger virtuose, comme s’il avait pressenti en lui un complément indispensable. Un hommage de douze soirées au Cinéma de minuit de France 3, des films muets restaurés par CinéMémoire, une émission de télévision et un livre conçus par notre rédacteur Hubert Niogret à l’occasion d’une rétrospective au Festival du film français de Florence : l’heure semble venue de voir en Duvivier autre chose que notre technicien “à l’américaine”. Commencée au muet, sa carrière, impressionnante malgré son caractère inévitablement inégal, s’achève en 1967. Nombre de ses films sont déjà des classiques, officiels ou populaires. Mais il en reste bien d’autres : leur découverte est une manière de reconquête. Le cinéma français, mal connu (le muet) ou que nous croyons connaître (les années trente, la “qualité française”), offre de lui-même une image plus précise, peut-être plus riche. Duvivier, quant à lui, s’il reste fidèle à la réputation de grand artisan qui fut la sienne, se révèle à l’occasion porteur d’un ton sans équivoque et d’un univers personnel. Ce dossier est notre contribution à une mise en place qui s’imposait.

1NH.0Lecture

Lectures de Julien Green
Avec Marie-Françoise Canérot et Michèle Raclot
Jean-Pierre Piriou, 1994.

 

Julien Green fait déjà figure de classique, on en connaît mal (surtout en France) la dimension extrême, la part de folie… qui ne sont peut-être pas plus éloignées du surréalisme que de Hawthorne ou de Bernanos : sous la tranquille limpidité de son style, couve une violente faim de surnaturel – que ni le sombre exorcisme des romans de l’entre-deux-guerres, ni la sérénité des textes de l’âge mûr n’ont pu tout à fait apaiser.

De fait, l’objet de ces “lectures” aura été d’appréhender dans toute sa complexité poétique (et à travers les formes très diverses qu’elle a pu prendre, depuis la nouvelle jusqu’à l’autobiographie ou au théâtre) une écriture qui tend moins à délivrer un “message” qu’à épouser les arcanes de l’inconscient, moins à donner des leçons qu’à susciter une inquiétude.

1NH.Mauriac.02

François Mauriac et les Grands Esprits de son temps
Bibliothèque historique de la Ville de Paris, 1990.

 

Evoquer les relations de François Mauriac avec les grands esprits de son temps, c’est d’abord, vingt ans après sa disparition, essayer de recomposer sa propre figure, avec ses zones d’ombre et de lumière, ses contrastes, ses incertitudes. Car s’il a pu débattre aussi passionnément avec ses contemporains, c’est parce qu’il n’était pas prisonnier d’une doctrine, parce qu’il était à la fois un homme inquiet et libre ; une inquiétude que son dialogue avec ses pairs nous révèle peut-être plus fidèlement que ses textes autobiographiques, dans la mesure où il s’y livre davantage, où il y expose plus ouvertement ses doutes – et nous retrouvons par ce détour le romancier, nous reconnaissons le désespoir qui règne dans une œuvre pourtant placée sous le signe de l’espérance… De même, son avidité de maîtres, de disciples ou simplement d’interlocuteurs nous ramène à cette curiosité anxieuse des âmes qui est à l’origine de ses romans.